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texte #1- un sourire toujours gagnant

 

Je me suis rendu sur les lieux de l’installation. C’est dire que je ne passais pas par là, mais étais déterminé à y aller pour témoigner au sujet de la TENTATION. Fort de la pensée d’Oscar Wilde « Je résiste à tout, sauf à la tentation », mon idée était faite. Pourquoi résister?

 

Arrêté face aux œuvres de Clara Feder, j’ai cependant réalisé que sous la tentation se profilait l’envie, et que sous l’envie pointait la jalousie. Je saisissais que derrière l’humour des tableaux et le jeu des contributions, s’exprimait une calamité capitale autour de laquelle s’élaborent tous les tourments, se forgent tous les conflits.

J’ai, au cours de ma vie de voyageur, pu fréquenter des milieux sociaux très divers. Et je veux affirmer que les enfants les plus joyeux que j’ai rencontré ne vivaient pas dans des milieux les plus aisés. Ils demeuraient dans des endroits reculés hors de porté des sollicitations consuméristes. Sans tentation étrangère. Et j’ose prétendre que, dépassé un certain niveau de pauvreté indécente, la richesse est une question relative. On est toujours le riche et le pauvre de quelqu’un! Tout le reste est convoitise, soumission au système économique.

 

La lutte pour “l’avoir" est sans fin! Elle ne peut déboucher que sur de l’insatisfaction. La misère, je l’ai vue essentiellement chez ceux qui ne savent pas “être“ au présent, ceux pour qui le bonheur est toujours de l’ordre du devenir. Les idéologues, les religieux, les économistes, les politiques nous promettent toujours des réussites, des paradis, des âges d’or, des fortunes… Mais ces “mieux“ sont sans cesse différés, sans cesse reportés aux calendes (…). Le bonheur serait surement de savoir ajuster ses besoins à ses ressources. Et si les sollicitations sont grandes, le mode opératoire est d’autant plus valorisant.

 

Gratter ou ne pas gratter ? Voilà la question que pose Clara Feder. J’ai donc finalement choisi de ne pas gratter. Par dignité. Par solidarité avec la vie que je me suis faite. Telle qu’elle est mienne. Contre toute jalousie. Contre toute concupiscence. Contre toute tentation. “Rends-toi toi-même heureux“ est le cri de l’anarque. Un cri comme un éclat de rire. Un rire toujours gagnant.

 

Merci Clara.

 

 

 

Patrick de Wilde

Photographe

Marseille, 16 octobre 2013

 

 

text #2 - le travail de clara feder sur la tentation, un symbole de notre société

 

Premièrement, pourquoi cette œuvre m’a interpelé ? (…)

Tout d’abord dans un sens financier, car peut-être qu’il y a des millions d’euros derrière moi. On ne sait pas. On pourrait tenter d’en faire l’acquisition en pensant que ce serait un investissement spéculatif s’il y avait un ticket gagnant. En cela elle serait un symbole de notre civilisation puisque nous vivons dans un monde de spéculation financière, vous l’avez constaté. (…)

Symbole de notre société car elle incarne certains types de violence.

Le marteau, à côté de la vitre, donne envie de la casser. Transgression : l’œuvre se propose que nous la cassions, elle est iconoclaste (casser des images).

Violence faite aux gens en leur disant que s’ils jouent et gagnent ils vont être heureux, que c’est en quelque sorte leur seul moyen de l’être en temps de crise.

(…) Violence car Clara Feder a décidé de prendre des objets d’espoir et de les confisquer derrière une vitre, de les désactiver alors que les gens ont envie de les gratter et de rêver qu’ils sont riches.


 

Marc Rosmini

Philosophe, critique d'art, auteur

Marseille, 12 février 2012
(Transcription du café philo "Le bonheur : une question de chance ?")

 

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